L'arbre s'effondra avec un craquement sinistre, et quelques tonnes de bois tombèrent lourdement sur le sol de la forêt. Søren posa sa hache de pierre et s'essuya le front. Il était six heures du soir et c'était le deuxième arbre de cette taille qu'il abattait. Sa hache avait été taillée le jour même. Et l'homme des bois commençait à se fatiguer - car oui, c'était possible - après quelques heures de dur labeur.
L'autre tronc avait été débité en pieux tranchants, des bambous avaient fendus en deux pour devenir des tuiles, et quelques branches sèches garantissaient un feu ronflant sous quelques heures.
Randall avait beau proposer une chambre sèche et chauffée, Søren préférait fabriquer son propre logis, primaire il est vrai, mais plus intime. Les murs de bois faisaient toujours resurgir en lui cette douce nostalgie, rappelant la base, celle où il avait vécu si longtemps, avec tant d'amis, tant de souvenir ... Selon toute vraisemblance, il resterait ici un ou deux mois. D'ici là, il aurait un joli petit refuge. Non, plutôt une maison. Une maison à lui, qu'il ne devrait à personne. Et si le propriétaire du bois n'était pas d'accord, hé bien, on en rediscuterait par carreaux interposés. Après ... au moment de quitter les lieux ... Søren brûlerait la maison. C'était personnel. C'était symbolique. D'ailleurs, à ses moments de mélancolie la plus noire, Søren était un pyromane extrêmement dangereux.
La radio crachota une nouvelle fois Telegraph Road ...
Søren recula pour admirer son chef d'oeuvre. Oui, cela ressemblait plutôt à un terrier qu'une maison, et alors ? Bien peu de personnes pouvaient en faire autant, pour sûr. Déjà, le toit ne laisserait passer aucune goutte de pluie. Ha ! Le premier amateur aurait attrapé une pneumonie. Son seul ennui, c'étaient les spectres, et Søren pesta mentalement contre les irresponsables qui laissaient des monstres dangereux errer à quelques mètres de leurs précieux lits. Qu'ils dorment sur leur deux oreilles ! La vie les remettrait en place.
La radio crachota doucement avant d'expirer, faute de batterie.
Søren avait allumé un petit feu et il commençait à réchauffer ses prises, lorsqu'il entendit le bruits des pas de quelqu'un qui visiblement ne savait pas marcher dans un bois. Calmement, et sans se démonter, il prit l'arbalète, et attendit son invité surprise.